jeudi

RER Désolé

- En raison d'un défaut d'alimentation électrique entre juvisy et corbeil, le trafic est perturbé sur la ligne D comme désolé ! Prévoir des suppressions et des retards. Merci de votre compréhension. Ne vous inquiétez-pas, Monsieur Sarkozy a été prévenu.
- Arrêtes Roger, le chef y va encore crier
- J'm'en fous c'est moi qu'ai le micro aujourd'hui, on peut bien rigoler, quand même
- Enfin Roger, ils sont plantés, tous ces gens sur ce quai, c'est pas sympa de se moquer
- Ben au moins ils risquent pas un accident de voiture ! Mouhahaha... de train non plus d'ailleurs... mouhahaha...
- Pardon Madame, vous pouvez couper le micro, s'il vous plaît, il y a un monsieur avec une hache qui devient nerveux sur le quai....

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Sur France Bleue Pétrole, ce matin, on m'annonçait gaiement à 8h00, 10 à 15 mn de retard sur la Ligne D de merde. J'ai hésité à prendre ma charette, mais l'idée de seller les boeufs et de les emmener brouter sur le grand parking qu'on appelle A104 m'a vite découragé. Et il faut économiser le Gazole de la planète. Et puis, grâce à la technologie qui rend plus beau, grâce au système tout nouveau d'alerte SMS (4 10 20 et tapez Evry # Juvisy). J'ai tout de suite déjoué le piège : tous les trains prévus étaient bien prévus ! C'est vraiment que des racontars à la radio. Je me suis donc tranquillement lancé à la poursuite du 8h11, ce beau train mythique qui fait rêver des générations de sidérodromophiles et de Transiliens brulants du désir d'aller travailler un jour de plus.

Je me suis quand même pressé car trois voitures au ralenti bloquaient le rond point sans raison apparente. Panne des sens, peut-être, dans ce petit matin à peine gris.

Une fois sur le quai, j'étais à l'aise pour attendre le 8h11 avec mes trois cents compagnons. Apparemment, le 7h56 avait pris un sale coup, et ne pouvait pas tenir ses promesses. Qu'à cela ne tienne, le 8h11 avait moins de 10mn de retard, apparemment. D'ailleurs ce n'était pas si sûr : l'écran de télé toujours pas cassé l'annonçait encore à 8h11, suivi du 8h26 et du 8h41... tout en donnant l'heure actuelle aux environ de 8h19...
Enfin, rien d'anormal jusque là.

C'est quand le systeme d'alerte par SMS 4 10 20 a commencé à m'annoncer le décès du 8h11 que mon sang n'a fait qu'un tour. "Non d'une pipe en terre", dit le capitaine Haddock en arrachant les poils de sa barbe : "ils me refont le coup de trafalgar ! Non seulement ils ont mis SUPPR devant le 8h11, mais ils ont volé le 8h26, ce cher 8h26 que j'aimais tant et qui m'aurait bien sauvé la mise."

Tant pis, il va falloir tabler sur le 8h41. Sauf si... et attendre 20 minutes avec mes 400 compagnons qui dans un quart d'heure seront 500... et le 8h41 sera plein de gens qui ne le voulaient même pas ! Les ingrats et les autres gras aussi ! Pas de place. Debout jusqu'à la gare du Nord... quelle perspective !

Je déroute le navire, destination Bras de Fer. Le Si Merveilleux Système SMS me dit : à 8h31, un flambant neuf cake en aluminium te conduira à Juvisy, terre promise. Je m'élance et j'arrive à 8h30. L'affichage indique "RETARD" pour la chenille en alu. Je reste perplexe le temps d'un jet de pierre. Je descends sur le quai. La poubelle en alu claque ses portes sur les doigs d'un vieux monsieur qui reste stoïque. Je l'ai reconnu, c'est Epictète. Moi aussi je reste stoïque. J'attendrai encore une dizaine de minutes pour la prochaine canette de soda cabossée. Juste avant 9h00, je suis à Juvisy. Tout le monde court autour de moi. Quelle forme époustouflante, ils ont ces Transiliens ! Des teufeurs, des grands raveurs, en fait. Peut-être est-ce l'effet de l'ectasy ou du red bull qui les rend aussi beaux, gais et rieurs le matin. Il y en a même un qui chante : TRANSILIEN, EN TRANSES TOUS LES MATINS

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Et là, le drame se produit. En moins de 20 minutes, je suis à St-Michel par le RER C. Un vieux monsieur (qui lui n'est pas Epictète mais ressemble plutôt à Fabrice Lucchini, le chantre des idées TGV), me regarde, la larme à l'oeil :
- c'est trop injuste pour le D que le C marche si bien.
Je le regarde avec empathie et dubitathie aussi...
- Mais attention, me glisse-t-il en apparté, je fais partie du mouvement révolutionnaire de sabotage du RER C, un jour viendra où ils regretteront leur belle ponctualité, quand mon fils sera libéré.
- votre fils ? Ils l'ont attrapé ?
- oui, il fait partie du mouvement révolutionnaire anti radars. C'est un collègue de Besancenot, mais chuuut !
- et vous vous foutez de ma gueule ou vous prenez le métro ?
- les deux, jeune homme, les deux ! A deux c'est moins cher de prendre le train !

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Cette conversation m'ayant laissé songeur, je faillis rater le train pour CDG qui lui aussi hélas, bien qu'omnibus, était parfaitement à l'heure. J'eus une pensée pour le vieux bonhomme.


Et je me suis endormi, en serrant contre moi mon cabat de pommes de terres bio. Au réveil, un peu brutal d'ailleurs, je ne saurais pourquoi, un roumain spécialiste du violon-trompette me demanda si je voulais des sous pour la Moujik. J'ai dit non. Il a dit merchi, buon zournée. Et j'ai dit : ah voilà une journée qui commence bien ! Il est même pas dix heures... et je suis déjà arrivé !

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Non mais franchement, franchement, OU EST LE PROBLEME, MONSIEUR ELKABBACH ? Comme je disais ce matin à Carla -- elle était sur le pot mais je vous passe les détails car je suis discret maintenant, elle est pas belle la vie ?
Les français veulent voyager plus ? Nous les aiderons à voyager encore plus !