jeudi

L'archer léger et le maréchal-ferrand

Un Archer un peu fier avançait goguenard
Dans la rue principale d’un village campagnard
Il s’admirait fort en se voyant marcher,
Faisant moult courbettes aux inconnus croisés
Surtout aux plus jeunes femmes, d’ailleurs.
Et s’approchaient de lui tous les enfants rieurs
Car il était bien vêtu et son arc dénotait.
Ses flèches, pointes en or, taillées à même l’ébène
Avec un empennage de plumes magnifiques
Venant des oiseaux rares des confins de l’Afrique.

Satisfait de lui-même, imbu de son succès
Il passa devant l’échoppe d’un Maréchal Ferrand
Le toisant, lui lança, d’un air condescendant
« alors, comment ça va le gros lourdaud bruyant ? »
Le maréchal sourit, et ne prit pas ombrage,
Mais il dit : mon ami le minet au plumage,
D’ici la fin du jour, tu pourrais revenir
Prier un plus lourdaud à ton bon souvenir
Et riant aux éclats, il reprit sa besogne
Souffle fort, souffle, et chauffe fort et cogne !

L’Archer s’arrête enfin, arrivé sur la place,
Montre son arme, fait le beau face à la populace
Totalement conquise par ce beau phénomène,
Et à chaque fois sans effort et sans peine
Ses flèches à bout d’or se plantent comme il faut
Que ce soit dans un arbre ou même sur l’échafaud.
On demande qu’il vise le vieux cadran solaire ?
Il tire en plein milieu ses trois flèches altières
Alors qu’il s’était éloigné de plus de 200 pas !
Mais retirer les flèches, il n’y arrive pas
Du cadran, impossible de les détacher
Leur pointe en or si pur au vieux fer s’est mêlée
Les flèches donnent l’heure sur le solaire cadran
Un seul homme peut l’aider c’est le Maréchal Ferrand

C’est en effet lui son heureux concepteur !

Et la troupe lui dépose l’étonnante sculpture
L’archer a le cœur lourd… et fait triste figure
Mais le Maréchal Ferrand accepte avec grâce
De séparer l’or du reste de la carcasse
-A Dieu plaise que mes flèches tu ne casses !
-T’inquiètes pas, Archer, et je sauverai l’heure
Elle rythme du village les joies et les pleurs.

Après des heures d’efforts pendant toute la nuit,
La chaleur intense du soufflet de forge et le bruit,
Le costaud sépare les flèches et les rend à l’archer
Celui-ci très content mais très embarrassé
D’avoir été si méchant avec le Maréchal
S’excuse. Ce dernier, mansuète, lui sourit :
« Pour ta leçon, Archer, et pour ton bien aussi
J’ai un peu changé la composition de tes pointes
J’ai ajouté une infime partie de fer… à cheval !
Et de liqueur d’eau vive aussi, je les ai ointes
Cela te portera bonheur et bon moral

Mais reste un peu modeste et garde le cœur pur."

L’archer le remercie, inquiet et songeur
Il faut séance tenante quitter ce beau village
Tester les nouvelles flèches dans les profondeurs
D’une forêt. Il avance et croise un attelage
De chevaux de trait ramenant des charges.
Et autre encore tirant une grosse barge
Le paysan est à quai, il dit tout doucement
« Reviens cheval, reviens ! » et immédiatement
Le grand cheval ramène son chargement.
Tel autre paysan aux chevaux de labour :
« Reviens cheval, reviens ! » Et ses chevaux accourent .
L’archer interloqué, demande aux paysans
Le secret de tout ça. Et les bougres lui disent :
« Personne ne doit savoir, mais c’est grâce à Ferrand. »

Pensif, l’archer repart et trouve une clairière,
Il choisit un bel arbre, et y trace une croix
Recule de trente pas, aligne sa visière
Décoche ses trois flèches, regarde le résultat
Les trois flèches sont au centre. Il est très satisfait.
Ce Ferrand tient promesse, et quel artisan !
Allant quérir ses pointes, il lui vient une idée
« reviens, ma flèche, reviens ! » S’entend-il murmurer
Et les trois flèches d’or se détachent de la croix
Et viennent se réfugier… au fond de son carquois !



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