mercredi

Et en plus, il pleuvait, Barbara

Barbara, ton prénom sonne, étonnamment
Comme le cri des sirènes qui perdent le marin.
Tu es fraiche et fragile, rose et romarin
Et je rêve si fort que je suis ton amant.

Quand tu danses, l'Univers n'a plus qu'un centre, Toi
La musique n'est là que pour rythmer l'adieu
Du tableau éternel que tu offres à mes yeux.
C'est pour te voir si belle que je danse avec toi.

Si toi tu as vingt ans, je suis en quarantaine,
Vieux marin ébahi d'effleurer de ses doigts
La plus claire, la plus sage, précieuse porcelaine
Que la terre et le ciel aient porté sous leur toit.

Ta voix claire, tes élans, tes sourires contenus
Ta pudeur si chère qu'elle vaut tous les discours
Tous ces traits, ô mon cœur, je les ai retenus !
Deux jours que tu m'existe, et je t'aimerai toujours.

Je suis parti à peine, Tu me manques déjà
Un stupide rail de fer s'en va, crevant mon cœur
Et à ce vent mauvais qui m'emporte, je pleure.
Amour, Ô Dieu Amour qui parfois protégea
Les amants les plus purs de l'éternel oubli
Transforme notre absence en un superbe fruit
Que nous croquerons à Brest, la prochaine escale
De notre Bateau Ivre, pour le bien et le mal.

mardi

Fougère au vent...

Fou j’erre
De feuille en feuille
À la recherche d’un autre air
D'un autre œil
D’un autre chant
Où je le trouve, je le cueille
Mon amant

Fou j’erre
Au pied d’une colline
Tournant en rond l'artère
Eclose des tes épines
De mon jardin des sens
Où je la vois, je la dessine
Ton absence

Fou j’erre
Au vent Je me plie
Comme la page impaire
Que lentement je lis
De mes mains fébriles
Où je le sens, je revis
Ton nombril

...

mercredi

Le Jour où...

Le jour où le mathématicien devient poète
Les angles droits roulent à gauche comme en Angleterre
Et les droites avant si stupidement parallèles
Se mettent à danser la rumba et la tarentelle

Et voilà que les corps, finis et infinis
Perdent leurs unités et leurs zéros au poker
Et qu'ils s'algébrisent toutes les nuits
Au son éraillé de pauvres vieilles équerres

Les courbes s'arrondissent et les coniques se dissipent
Avec les points de fuite et les lignes d'horizon
Et voilà que les images planes ressuscitent
Dans un florilège coloré en quatre dimensions

Ce jour-là, il est temps d'opérer une transformation,
d'itérer en point fixe une application réflexive
peut-être même d'envisager la lobotomisation,
à moins qu'on ne préfère qu'une autre Vie s'en suive...


lundi

Nouvelles du passé

Nom d'une Pie-panthère !
Nom d'un petit baba au rhum !

Si tu t'imagines l'espace d'un demi-soupir
Que tu va me laisser sans comm'
sans nouvelles de ta personne
Eh bien tu te trompes d'éléphanteau
le matin et tard le soir
Et Slava pas spasmer comme ça !
Parce que je vais tard-seulé
Je vais te bigorneauphoner
à toute heure de la sieste
Je vais écouter ton répondeur
dix fois dans la sainte journée
Et je vais lui raccrocher au pif
Et cela va l'épuiser ton répandeur
de fausses excuses et d'abstinence
Je parie qu'il a pas l'habitude
De se faire écourter la jactance
Il va s'enrouer de la cassette
Et après je réponds plus de rien !

Alors voilà je te préviens,

Après cinq ans d'absence,
J'avais oublié ton nom
Encore cinq ans de silence
Et j'oublie ton numéro !

mercredi

C'est pas moi...

C'est pas moi
C'est aile
dit l'oiseau
c'est la jouvencelle
qui a dit
t'es pas beau

C'est pas moi
c'est icelui
dit la marmotte
c'est le damoiseau
qui a dit
t'es qu'une grosse motte

C'est pas nous
c'est les zot's
disent les panoupanous
c'est les gens d'en face
qui zont dit
vous zêtes malpolis

C'est pas moi,
C'est pas aile
C'est pas l'oiseau
ni la demoiselle
ni les panoupanous
ni même les zot's
ceux d'en face
qui n'ont rien compris

c'est juste la Vie
dit l'âne gris

dimanche

Roman Policier

Ceci est un roman policier

La victime est dans un sale état
Bien plus loin que l'Ohio,
Genre plutôt la Géorgie
pas celle des amériques,
celle qu'est près d'la Russie
Capitale Tbilissi

Oui la victime, parlons-en
Elle peut plus s'exprimer
Depuis la chute du mur,
sur son pied
Ou alors elle pourrait parler bulgare
bien sûr sous la torture
tout le monde peut parler bulgare
Ah oui, à propos, quel mur ?
pas celui de Berlin
le mur du hangar
qu'est près du canal
qui donne dans les égouts
à côté de l'arsenal
Aha, voilà peut-être une piste...

Mais le coupable, me direz-vous ?
Le coupable ?
C'est toujours un notable
C'est mieux comme ça
ça fait plus communiste
ou Chabrolien
On va dire en somme
que c'est un cru bourgeois de polar,
un qui se déguste en costard,
sur le sofa du billard.

Un notable,
c'est bien vague me direz-vous.
Bon d'accord,
disons qu'il est chirurgien
comme ça c'est plus facile
pour tous les ustensiles
et puis aussi le billard
celui où l'on s'allonge
et les drains que l'on plonge
dans les plaies pas très jojo...

Bon, je vous avais prévenus
Passez votre chemin
si vous êtes sensibles
ça va dégommer à mains nues

Bref, retournons à la cible.
Il nous faut un héros
Un inspecteur qui craint un max
du genre à qui on la fait pas
un as de carreau
fagoté comme l'as de pique
qui sirote son Drambuie
en jouant du saxo
Un vrai mec quoi,
privé dans la vie
et public quand il faut.

On va lui donner un nom qui cloaque
On va l'appeler Alec Mainard
Lecteur, devant vos yeux ébahis
Vient de naître le nouveau Harry
Regardons de quoi il est capable...

Alec Mainard
S'allume une cigarette
La blonde du bar
Comme une majorette
Lui a laissé un mot
Qui le laisse perplexe

Le talentueux Pêpê-le-môkô
L'as des accents circonflexes
et du bistouri
A dessoudé Moktar
Le tchétchène du quartier
(En fait de tchétchène,
comme vous le savez déjà
Il était Georgien...
mais il le savait pas,
mais si c'est moi qui vous le dit...)
Et l'a enfoncé dans un placard
À coups de fox-terrier
Bon ça c'est pas facile,
Respect, faut l'admettre
parce qu'un fox-terrier
c'est pas très préhensile
mais ça défonce bien,
côté projectile

Mais alors vous allez me dire
Pêpê le Môkô, c'est pas un chirurgien
et il est pas notable
c'est juste un caïd en ire
("en ire" ça veut dire en colère
-- pour nos lecteurs oussigouriens)
En fait si, dans son genre c'en est un
et il est assez notable comme garçon
enfin suffisamment pour qu'on s'incline
devant ses quatorze années de prison
mais pas trop évidemment
évitons de ramasser la savonnette...
ou alors discrètement...

Bref pourquoi donc qu'il l'a dessoudé ?
D'ailleurs c'est un bien grand mot,
il est qu'à moitié mort le Moktar.
Juste salement assommé
En fait même Alec qui n'est pas né
de la dernière couvée se demande,
pourquoi ils se sont frottés
vu qu'ils étaient pas sur le même business

Alec est fatigué
Cela fait au moins deux heures
qu'il a pas dormi
Il divague un peu en sirotant son Perrier
que la majorette a coloré
avec des trucs pour la toux
Que faire ? Demander à Pêpê où est le problème ?
Çà c'est un truc pour mettre le feu au quartier
et jamais savoir pourquoi tant de haine
et puis Moktar n'a pas porté plainte, après tout.

Mais quand même, jamais Alec
ne laissera une énigme sans solution
c'est plus fort que lui, c'est sa passion
Garçonne ! demande-t-il à la majorette
vendeuse de cigarettes
sers-moi un Jack Daniels
J'ai horreur de ça
Et ça me fiche mal à la tête
Mais ça m'aide à réchéflir
d'avoir mal à la tête
Et il se plonge dans ses idées
douloureuses...

Une heure plus tard
toujours au bar,
Alec est complètement fait,
Mais faut dire, c'est quand il est saoul
qu'il assure, le Mainard
C'est lui qui a trouvé l'assassin du parloir
de la poste du boulevard
mais c'est une autre histoire

Alors bon, Voyons voyons
Pêpê vendait de la came
Et Moktar louait des gonzes
Ils s'ignoraient superbement
Sur les trottoirs de Paname
et côté moralité, c'était des Bonzes
Pas un mot plus haut que l'autre
Tout en délicatesse
Jamais une trace de coup
Jamais un client fâché
Tous dithyrambiques
(cela veut dire "très élogieux"
-- pour nos lecteurs ouzbeks)
Sur la qualité et le service
Aucun souci avec les flics
Aucune bavure, aucun sévice

Alors franchement, là, je colle
Garçonne, remets-moi un verre de...
c'est quoi déjà ? euh... d'alcool
Dis-donc la majorette
faudrait penser à te raser
il se fait tard
comme dirait Moktar
j'me souvenais pas que t'avais de la barbe
au petit matin
ce serait pas ta frangine
que je vois d'habitude
toi t'as plutôt l'air d'être son frangin...

Mais je te reconnais
t'es le chauffeur de Pêpê ?

À ce moment, là, Alec
se prend un coup sur la tête
Oh c'est pas un gros coup
vu qu'il suffit d'une pichenette
pour l'écraser par-terre
mais bon c'est quand même un sale coup.
Et il se réveille trois heures plus tard
Dans la Passat de Pêpê.

Soyons plus précis, il se réveille
dans le coffre de la Passat de Pêpê
Et c'est là que juste au moment
d'être jeté dans les égoûts
il entend Pêpê menacer :
"Moktar, tu vois ce privé ?
Si tu retouches à ma Passat
Je te tèj aux égoûts comme icelui !"
Et en tombant lentement,
Alec entend Moktar
qui dit en rigolant,
et en Bulgare,
car il était polyglotte

Poisson d'avril, Alec !

vendredi

Salut l'ange

Salut l'ange
à l'arc
qui dérange,
qui démange
qui raisonne
et explique
le pourquoi du comment
de l'oblique

Pour qui nous prends-tu
mon ange ?
Que m'annonces-tu
Michel, Gabriel, Raphaël
La fin d'un monde co(s)mique ?
La naissance d'un or meilleur ?
La revanche des orpailleurs ?
Le plongeon ultime
Des otaries
Dans l'eau tarie
que la vie décime ?

La naissance d'un espoir
Timide et trop tard
et trop bavard
Qui s'arrogerait le droit
et le divin devoir
De faire le Prince de sang
et le bâtard
De dire le bien le mal
l'a peu près
et le superflu
de parler de Dieu,
du Diable
et des pâtes Lustucru ?

Désolé Gabriel
tu m'ennuies
mon grand clown
avec tes avatars
J'attends mon amant
ce n'est pas un sur'homme
ce n'est pas le Messie
Ce n'est pas mon enfant
mais il sait scier
chapuiser, lambourder
et tambouriner
et quand il me toise
et m'allonge et hésite
à me raboter de ses mains calleuses
c'est moi qui lui dis
mais si mais si
mon ange